On pensait que c’était une question de génération, qu’une fois les indéboulonnables de la photographie partis à la retraite, les règles du jeu allaient changer…
Et le grand mercato a commencé en 2018 pour s’accélérer en 2020.
Nommé à la direction du Jeu de Paume, Quentin Bajac (ancien directeur du cabinet de la photographie au Centre Pompidou) quitte le MoMa – est remplacé par Clément Cheroux (lui-même ancien directeur du cabinet de la photographie au Centre Pompidou) ; Simon Baker quitte la Tate pour la Mep ; Sam Stourdzé part diriger la Villa Médicis et laisse sa place à la tête des Rencontres d’Arles à Christophe Wiesner (ancien directeur de Paris Photo) ; Julien Frydman (ancien directeur de Magnum puis de Paris Photo), prend la tête du pôle image du groupe Libella, éditions Delpire comprises.
Et pendant ce temps, ceux qui ont passé l’âge de la retraite continuent d’occuper le terrain. On prend les mêmes, et on recommence : François Cheval (66 ans) sur tous les fronts, Francois Hebel (62 ans), ancien directeur Magnum et des Rencontres d’Arles à direction de la Fondation Cartier-Bresson, nous apprenons que Christian Caujolle (67 ans) succède pour partie, en devenant conseiller artistique, à Jean-Marc Lacabe (68 ans) à la Galerie du Château d’Eau. (Notons que le communiqué de presse de la ville de Toulouse annonçant sa nomination précise : « Commissaire de nombreuses expositions, il porte depuis 35 ans un des regards les plus pertinents sur la photographie contemporaine. Il est également l’auteur de nombreux ouvrages, consacrés à Jacques Henri Lartigue, William Klein, Sebastião Salgado, Peter Beard, Anders Petersen, Bernard Faucon Michael Ackerman ou JH Engström, entre autres.” Pas une femme, donc.)
Les décideurs manquent cruellement d’ouverture d’esprit et d’imagination, ils vont au plus simple, au carnet d’adresse, aux amitiés, quitte à parfois jouer le jeu de la carpe et du lapin. Et les femmes dans tout ça ? Les femmes pour ne pas changer, se heurtent au plafond de verre.
La question n’étant pas les compétences de la majorité des sus-cités… Cependant, les femmes sont-elles moins compétentes ou moins nombreuses ? Sûrement pas. De surcroît, dans le milieu de la photographie, les rémunérations hormis pour les postes précédemment cités, sont faibles. Alors, prises par des postes salariés subsidiaires (où leur travail est souvent invisibilisé) ou leur recherche de free lance, prises par leurs obligations familiales parfois, elles ont bien moins le temps et les moyens que leurs confrères de briller, par leurs articles, leurs propositions de commissariat d’exposition, ou simplement de briller dans la petite société de la photographie. Leurs talents et leurs compétences sont sous exploités.
Si on ne leur donne jamais (Marta Gili fait figure d’exception) l’opportunité de faire leurs preuves et diriger des lieux importants (ce qui permet également de travailler sur des projets d’ampleur, avec des budgets importants) et celle aussi, et pas des moindres, de renouveler les propositions de leurs confrères masculins, bien au chaud dans leur entre soi viril, qu’adviendra-t-il ? Qu’adviendra-t-il si elles n’ont pas pour ambition de devenir les “femmes de” pour accéder aux plus beaux postes ? Entre le jeu des chaises musicales et le passage de relai, on hésite.
Une chose est sûre, nous assistons une fois de plus au triomphe de l’entre soi masculin : le vieux monde s’accroche, il est temps d’abolir les privilèges de la phallocratie !
Très juste ! Que les yeux s’ouvrent enfin !